mardi 1 novembre 2011

L' Horloge



Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit: "Souviens-toi!
Les vibrantes Douleurs dans ton cœur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible;

Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote: Souviens-toi! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit: Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde!

Remember! Souviens-toi! prodigue! Esto memor!
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or!

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup! c'est la loi.
Le jour décroît; la nuit augmente; souviens-toi!
Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le Repentir même (oh! la dernière auberge!),
Où tout te dira Meurs, vieux lâche! il est trop tard!"

Charles Baudelaire

4 commentaires:

  1. You have done an excellent job of research and writing.

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  2. Séquence émotion:
    Le mur des fédérés me rappelle que les Versaillais ont achevé les communards blessés dans les hôpitaux à la baïonnette pour économiser une balle. Ah les cathos peuvent toujours faire une prière au "sacré cœur" pour racheter les péchés de la commune ! Moi je viens tous les 1ers mai avec quelques amis pour me souvenir de ces martyrs...

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  3. :-) J'aime ce poème. C'est plaisant de le relire au hasard d'un vagabondage sur blogger.

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